Quand tu grandiras, quelle que soit la brousse dans laquelle tu entreras, dis-toi que les esprits y logent, et respecte aussi bien la faune que la flore, y compris les objets qui te paraissent sans intérêt comme un champignon ou un pauvre petit ver de terre qui tente de regagner le bord d’un rivière. Chez nous on ne chasse que les écureuils et les pangolins, c’est ce que nos ancêtres nous donnent comme gibier parce que les autres animaux, sauf si nous recevons message contraire à travers nos rêves, sont les membres de la famile qui sont partis de ce monde mais qui vivent dans l’autre. Mangerais-tu ton père, ta mère ou ton frère? Je pense que non. Je sais ce que c’est des choses bizarres pour toi que es un enfant élevé dans la ville, ce sont pourtant ces réalités qui ont fait de nous ce que nous sommes. Quant à toi, abstiens-toi de manger la viande de biche et de cerf car, même si tu n’en mourras pas, il y aura quelque chose de toi qui disparaîtra, et ce quelque chose s’appelle la chance, ou plutot la bénédiction . . .
(Excerpt from Lumières de Pointe-Noire by Alain Mabanckou)